UN JOUR, UN ÉVÉNEMENT - 20 SEPTEMBRE

20/09/2025

Juliette Dodu et le 20 septembre 1870 : entre histoire et légende


Le 20 septembre 1870, en pleine guerre franco-prussienne, la petite ville de Pithiviers (Loiret) tombe aux mains des troupes prussiennes. C'est ce jour-là qu'entre en scène Juliette Dodu, une jeune femme de 22 ans, dont le nom est passé à la postérité comme celui de la « première espionne de France » — même si son histoire reste, encore aujourd'hui, sujette à controverse.


Une jeune télégraphiste à Pithiviers


Née le 15 juin 1848 à Saint-Denis de La Réunion, Juliette Dodu est la fille d'un capitaine de santé de la Marine. Lorsque son père meurt prématurément, la famille revient en métropole. En 1870, Juliette est directrice du bureau télégraphique de Pithiviers. Le télégraphe, outil moderne de communication rapide, est alors vital pour les armées.


L'occupation du 20 septembre 1870


Lorsque les Prussiens entrent dans Pithiviers le 20 septembre, ils s'installent au bureau de poste et de télégraphie. Le fil télégraphique passait par la chambre de Juliette, qui aurait eu l'idée de brancher un « dérivateur » artisanal afin d'intercepter les dépêches ennemies.
Selon la version héroïque popularisée plus tard, elle aurait recopié les télégrammes prussiens pendant près de trois semaines, du 20 septembre au 7 octobre 1870, et transmis ces renseignements aux autorités françaises. L'un de ces messages aurait permis de sauver plusieurs centaines de soldats français d'une embuscade.


Découverte, procès et grâce ?


Toujours selon ce récit, Juliette Dodu fut découverte, arrêtée et traduite devant un conseil de guerre allemand. Condamnée à mort, elle aurait été graciée in extremis grâce à l'armistice signé peu après. Cette partie du récit, largement diffusée par la presse française à partir de 1877, relève toutefois davantage de la légende que de faits avérés.


Distinctions officielles


Quoi qu'il en soit, son nom se retrouve dans les rapports officiels après-guerre. Juliette Dodu reçoit la médaille militaire et la Légion d'honneur — distinctions rarement attribuées à une femme à cette époque. Elle meurt à Paris en 1909, laissant derrière elle une réputation de pionnière.
Une héroïne contestée
Dès la fin du XIXᵉ siècle, plusieurs historiens ont exprimé des doutes :
* aucun rapport militaire ne confirme clairement son action ;
* la version romancée publiée par Le Figaro en 1877 a largement contribué à forger la légende ;
* les documents d'archives suggèrent qu'elle a surtout bénéficié d'un engouement patriotique post-guerre.

Aujourd'hui, les chercheurs considèrent Juliette Dodu comme une figure symbolique, plus qu'une espionne dont l'efficacité militaire est prouvée. Elle incarne cependant l'idée d'une femme engagée dans un rôle héroïque à une époque où elles étaient rarement reconnues dans la sphère publique.


Héritage


L'histoire de Juliette Dodu, vraie ou embellie, témoigne de la façon dont la mémoire nationale se construit autour de récits héroïques. En 1870, la France humiliée par la défaite avait besoin de figures de courage. Juliette, jeune, patriote et femme, est devenue ce symbole.







Sources
* Musée de La Poste, Juliette Dodu, la première espionne de France ?
* François Caron, Histoire des télécommunications en France, PUF, 1995.
* Article du *Figaro, 31 août 1877, premier récit public de l'affaire.
* Jean-Jacques Becker & Stéphane Audoin-Rouzeau, **La France, la nation, la guerre (1850-1920), Armand Colin, 1997.
* Dossier biographique, Archives nationales* série LH (Légion d'honneur).