
ROCHE PLATE A LA RÉUNION
Le saviez-vous ?
Roche Plate, mémoire et mystère au cœur des remparts de Saint-Joseph
Une contrée suspendue entre volcans et remparts
Au sud de l'île de La Réunion, dans l'arrondissement de Saint-Joseph, se love la vallée profonde de la Rivière des Remparts. Cette vallée, creusée dans un ancien flanc du Piton de la Fournaise, s'ouvre en remparts abrupts — des parois verticales d'où l'on contemple l'immensité verte et bruissante de la forêt réunionnaise.Au fond de cette entaille volcanique se trouve l'îlet de Roche Plate, un lieu longtemps coupé du monde, où la nature a dicté ses lois et où l'homme a appris à composer avec elle.
Aux origines : le refuge des Marrons
Bien avant l'arrivée des colons ou des cultivateurs, les premiers habitants de la Rivière des Remparts furent des esclaves marrons — des hommes et des femmes en fuite, cherchant à échapper à la servitude des plantations côtières.Ils trouvèrent dans ces vallées profondes un refuge presque imprenable : les remparts escarpés, les tunnels de lave et les ravines denses offraient des abris naturels et des sources d'eau, leur permettant de vivre cachés et libres.Ces communautés marronnes se dispersèrent dans plusieurs îlets de la région, dont Roche Plate et l'îlet Dimitile, de l'autre côté du massif.Leur présence a laissé une empreinte silencieuse : des noms de ravines, des fragments de murets, et surtout une mémoire transmise par la tradition orale, celle de la résistance et du courage face à l'oppression.
L'arrivée des "petits Blancs des Hauts"
Des décennies plus tard, après la période de marronnage, les "petits Blancs des Hauts", venus pour la plupart de Saint-Joseph, s'installèrent à leur tour dans ces îlets reculés.Cherchant à cultiver la terre et à vivre en autarcie, ils reprirent parfois les lieux anciennement occupés par les Marrons.C'est ainsi que Roche Plate, autrefois repaire de fugitifs, devint un village agricole isolé, façonné par la ténacité de familles modestes et le rythme des saisons.Géologie et formation
Pour comprendre Roche Plate, il faut remonter aux origines volcaniques de l'île. La vallée de la Rivière des Remparts est née d'un effondrement massif il y a environ 2 000 ans. Le lit de la rivière, aujourd'hui souvent sec ou souterrain, suit le tracé d'anciennes coulées de lave.Roche Plate se situe dans ce décor minéral : un fond de vallée où les remparts, la végétation tropicale et le sol basaltique racontent la lente histoire du volcan.
Une vie installée dans l'isolement
Dans ce cadre grandiose, les habitants de Roche Plate vivaient autrefois presque coupés du monde. Ils cultivaient haricots, patates, maïs, café ; élevaient chèvres et volailles ; bâtissaient leurs maisons en pierres sèches.Jusqu'aux années 1960, plusieurs centaines de personnes y vivaient encore, dans un équilibre fragile entre la terre et les éléments.Le drame de 1965Le 7 mai 1965, un pan entier du rempart du Bras de Mahavel s'effondra dans un grondement titanesque. Des millions de mètres cubes de boue et de roche ensevelirent la vallée, forçant les habitants à fuir.Ce glissement marqua la fin d'une époque : Roche Plate fut abandonné, englouti sous le silence et la végétation renaissante.
Le renouveau et l'exploration
Des années plus tard, la nature reprit ses droits, et Roche Plate retrouva sa place dans la mémoire collective.Le lieu devint un site de randonnée et de mémoire, géré par l'Office national des forêts.Le gîte de Roche Plate, perché à 740 m d'altitude, accueille aujourd'hui randonneurs et amoureux de la montagne, venus revivre ce qu'on appelle ici « le souffle des remparts ».
Un lieu de mémoire vivante
Roche Plate n'est pas qu'un paysage spectaculaire : c'est une terre d'histoire, un lieu où s'entrelacent le souvenir des Marrons, la persévérance des premiers colons des Hauts et la puissance des forces naturelles.Entre le fracas du volcan et le murmure de la forêt, ce bout du monde raconte l'histoire d'un peuple en quête de liberté — et d'une île qui, à chaque génération, se réinvente.

