
LE MIRACULÉ DE L'IMMACULÉE : LA VOCATION DU FRÈRE IGNACE-CLÉMENT
#RDVAncestral : La règle du jeu est la suivante : je me transporte dans son époque et je rencontre un ascendant ou collatéral.
Pour ce nouveau rendez-vous, je suis allée à la rencontre de mon collatéral, le Frère Ignace-Clément, afin d'évoquer sa vie exemplaire de dévouement.
Le voyage dans le temps était toujours une expérience étrange, mais celle-ci était particulièrement poignante. Je me retrouvai soudain à Moulins, en octobre 1926, à l'infirmerie de la congrégation des frères de l'école chrétienne. L'air était lourd, imprégné de l'odeur des remèdes et d'une certaine mélancolie. Dans un lit, un homme frêle, aux traits marqués par la souffrance, essayait de trouver son souffle. Il était le Frère Ignace-Clément, né Auguste Alix Rivière, mon lointain collatéral. Je m'approchai doucement de son lit.
Frère Ignace-Clément ? Excusez mon intrusion… Je suis… Christiane une lointaine parente.
(Il ouvre les yeux avec difficulté, un voile de surprise sur son visage épuisé.) Une parente ? Ici ? C'est… inattendu. Je n'ai plus de famille depuis si longtemps…
Je suis venue de loin, de très loin, pour vous rencontrer. Je sais que votre vie a été… une succession d'épreuves. Je suis au courant de vos frères, de vos sœurs, de votre mère…
(Un soupir, teinté d'une tristesse ancienne.) Ah… Pierre, Joseph, Paul, Marie-Claire, Marcelline, Marie-Agnès… Tant de départs prématurés. Ma pauvre mère… Elle a tellement souffert. C'est elle qui m'a consacré à la Vierge, vous savez. Je n'étais qu'un enfant fragile, à l'agonie. Et elle a prié, prié… J'ai survécu. Un miraculé de l'Immaculée Vierge Marie, comme je le disais.
Oui, je sais. Et cette promesse, vous l'avez tenue. Vous êtes devenu Frère des Écoles Chrétiennes.
(Un faible sourire éclaire son visage.) Ce fut ma voie, tracée pour moi. Dès mon plus jeune âge, j'ai ressenti cet appel. Les Frères m'ont tout appris. J'ai eu la chance de partir pour la France, loin de mon île natale. Le Frère Apronien-Marie a vu quelque chose en moi.
Vous avez eu une vie dévouée à l'enseignement, n'est-ce pas ? En Égypte, surtout. Ramleh, Alexandrie, Mansourah, le Caire…
(Ses yeux s'animent un peu à l'évocation de ses souvenirs.) Oui. L'Égypte… Un pays si différent de la Réunion. Mes débuts furent déconcertants, un mélange d'élèves de toutes nationalités, de toutes religions. Mais la foi guide toujours. J'ai essayé d'inspirer la piété, la dévotion. J'ai vu tant de jeunes esprits s'éveiller. J'ai même fondé une académie littéraire pour mes élèves les plus brillants. Et la Société de Saint-Vincent-de-Paul… J'ai poussé à la création de cette école gratuite pour les filles. Il y a tant à faire pour le bien.
Vous avez aussi écrit, il me semble, pour le Bulletin du Cercle de Sainte-Catherine.
(Un hochement de tête.) C'était une joie, un moyen de rester en contact avec les anciens élèves. Écrire, c'était ma façon de continuer à semer. J'ai toujours cru en la force des mots, de la connaissance.
Malgré toutes les épreuves, la distance avec votre famille que vous n'avez plus jamais revue…
(Ses yeux se ferment un instant, la douleur palpable.) Cela fut le plus difficile. Apprendre les décès, les uns après les autres, sans pouvoir être là. C'est le sacrifice de ma vocation. Mais ma foi est restée inébranlable. Elle m'a porté à travers tout.
Vous êtes ici maintenant, Frère Ignace-Clément. À Moulins.
(Un soupir plus profond, le souffle de plus en plus court.) Oui… Le corps est fatigué. Le diabète, l'albuminurie… Mes forces m'abandonnent. Mais mon âme… mon âme est prête. Je me suis remis entre les mains du Seigneur. Je n'ai rien possédé, si ce n'est ma foi et mon désir de servir.
Frère Ignace-Clément, votre vie est un témoignage de dévouement et de résilience. Vous avez apporté tant à ceux que vous avez rencontrés, et votre héritage perdurera bien au-delà de ce monastère. Je suis si reconnaissante d'avoir pu vous rencontrer.
(Un léger sourire s'esquisse sur ses lèvres, empreint d'une douce mélancolie.) C'est une grâce de savoir que mon passage a touché quelqu'un, même après tant d'années. Merci, ma chère parente, pour cette visite.
Je sens le temps se dérober, le passé me tirant de son emprise. Avant que le moment ne se fige, je pose ma main sur la sienne, un geste silencieux d'adieu et de reconnaissance. Je le quitte là, paisible, son regard tourné vers un ailleurs serein. Je savais qu'il était en paix, ayant accompli sa mission jusqu'au bout.

