LE VÉTIVER BOURBON

09/11/2025

Le Vétiver autrefois écrit Vétyver Bourbon : une herbe aux racines profondes dans l'histoire réunionnaise

Parmi les plantes emblématiques de La Réunion, le vétiver Bourbon occupe une place singulière. Derrière son parfum puissant et terreux, se cache une histoire intimement liée à l'agriculture et à l'ingéniosité des habitants de l'île.

Des origines venues d'ailleurs

Le vétiver (Vetiveria zizanioides) est une grande herbe tropicale originaire du sud de l'Inde et de Ceylan (actuel Sri Lanka). Introduite d'abord à l'île Maurice au XVIIIᵉ siècle, elle a rapidement trouvé un terrain favorable à l'île Bourbon (aujourd'hui La Réunion).

Dès le début du XIXᵉ siècle, son essence parfumée est déjà connue et étudiée. Mais c'est au tournant du XXᵉ siècle que la culture prend une dimension industrielle : en 1904, l'île exporte déjà plus d'une tonne d'huile essentielle.

Une essence précieuse cachée dans les racines

Le vétiver a ceci de particulier que toute son essence se concentre dans ses racines. Profondes et très ramifiées, elles retiennent la terre et limitent l'érosion, tout en abritant de minuscules cellules odorantes.

De ces racines est extraite une huile essentielle rare, aux notes boisées et terreuses, très appréciée en parfumerie. L'extraction demande cependant une distillation longue — souvent plus de dix heures de vapeur — pour libérer la totalité du parfum.

Une culture ancrée dans le Sud de l'île

La culture du vétiver s'est principalement développée dans le Sud et le Sud-Est de La Réunion, notamment dans les hauts de Saint-Joseph et de Petite-Île, entre 300 et 600 mètres d'altitude. Ces zones, aux sols profonds et argileux, offrent des conditions idéales pour la croissance des racines.La récolte, appelée localement la « fouille », reste l'étape la plus difficile. Elle se fait à la main, racine par racine, à l'aide d'une pioche. Un ouvrier ne peut extraire qu'une vingtaine de kilos de racines par jour, ce qui rend cette culture aussi exigeante que précieuse.

Depuis la seconde moitié du XXᵉ siècle, des tentatives de mécanisation ont été menées afin d'alléger le travail des planteurs et de réduire le temps d'arrachage.

De l'artisanat à la distillation moderne

Autrefois, la distillation du vétiver se faisait dans de simples alambics chauffés à feu nu. Avec le temps, les producteurs réunionnais ont adopté une technique industrielle de distillation à la vapeur, inspirée de modèles modernes.

Ces installations ont permis d'obtenir une huile essentielle d'une qualité supérieure, qui s'est rapidement imposée sur le marché international sous le nom de Vétiver Bourbon. Cette appellation est aujourd'hui synonyme d'excellence et de pureté.

Une signature olfactive unique

L'huile essentielle de vétiver Bourbon est prisée dans la haute parfumerie. Elle entre dans la composition de fragrances de caractère, aux notes orientales et boisées. Utilisée comme fixateur naturel, elle prolonge la tenue des parfums tout en leur donnant une profondeur élégante.

Elle s'accorde particulièrement bien avec le patchouli, le santal ou la rose. Son prix, supérieur à celui de nombreuses autres huiles essentielles, témoigne de sa rareté et de sa valeur.

Héritage d'un savoir-faire réunionnais

Aujourd'hui encore, le vétiver symbolise un pan important du patrimoine agricole et artisanal réunionnais. On le retrouve dans les champs du Sud, mais aussi sous forme d'objets parfumés : nattes, coffrets, sacs ou petits souvenirs tressés à partir de ses racines.

Cette plante raconte à elle seule une histoire d'adaptation, de travail et de passion. Derrière son parfum se devine la mémoire des générations de cultivateurs qui ont su transformer une simple herbe tropicale en un trésor olfactif reconnu dans le monde entier.



Source : Les parfums de Bourbon - Jacques Lougnon