LA CHAPELLE DE L'ÎLET BETHLÉEM

19/11/2025


La Chapelle de l'Îlet de Bethléem : un joyau discret de Saint-Benoît


Niché sur les rives de la Rivière des Marsouins, au cœur d'une végétation luxuriante, l'Îlet de Bethléem est l'un de ces lieux où l'histoire de La Réunion se raconte en silence, au rythme du bruissement de l'eau et des arbres. Dans ce décor paisible se dresse une petite chapelle, discrète mais chargée d'un immense poids symbolique, témoin d'une période charnière de l'histoire sociale et religieuse de l'île.


Une communauté isolée après l'abolition


Au XIXᵉ siècle, après l'abolition de l'esclavage, plusieurs familles en difficulté vinrent s'installer dans cet îlet presque inaccessible. La vie y était rudimentaire : chasse, pêche, cueillette et débrouillardise constituaient l'essentiel de leur quotidien. L'isolement était tel que l'accès à l'éducation, à la religion et aux services sociaux était quasi inexistant.
C'est pour répondre à ce besoin que l'Église catholique décida d'implanter un lieu de culte et de vie communautaire au sein de l'îlet.


La chapelle et la mémoire d'Auguste Pignolet


La chapelle de Bethléem fut construite au milieu du XIXᵉ siècle, sous le gouvernement d'Henri Hubert Delisle. Le projet doit beaucoup à Amélina Pignolet de Fresne, épouse du gouverneur, qui s'est fortement impliquée dans la mise en place d'un ouvroir destiné aux jeunes filles du secteur, confié à la congrégation des Filles de Marie.


Mais ce qui marque particulièrement l'histoire de ce petit édifice est l'inscription gravée sur une plaque :
« Paroisse fondée en mémoire de mon père Auguste Pignolet par Monseigneur Desprez sous le gouvernement d'Henri Hubert Delisle. »
Cette inscription rappelle que la fondation de la paroisse est un hommage direct à Auguste Pignolet, figure respectée dont la mémoire a été associée à un projet humanitaire et spirituel.


Un rôle social essentiel


Bien plus qu'un simple lieu de prière, la chapelle et son ouvroir formaient un véritable centre d'aide et d'éducation. Les sœurs encadraient les enfants, apprenaient la couture et les travaux manuels aux jeunes filles, accompagnaient les familles et jouaient un rôle essentiel dans la structuration de la vie de l'îlet.
Ce microcosme religieux et social a fonctionné durant plusieurs décennies, contribuant à réduire l'isolement de cette population marginalisée.


Un patrimoine à préserver


Avec le temps, les habitants ont quitté l'îlet, notamment à partir des années 1930, attirés par des quartiers mieux équipés en eau, électricité et services. La chapelle, abandonnée peu à peu, s'est retrouvée livrée à la végétation et aux intempéries.


Aujourd'hui, l'îlet de Bethléem est surtout connu comme un lieu de promenade et de détente. La chapelle, bien que vieillissante, continue d'émouvoir les visiteurs. Elle évoque un pan méconnu de l'histoire de La Réunion : celui de la solidarité, de la foi et d'une communauté oubliée.
Malgré sa taille modeste, l'édifice possède une valeur patrimoniale indéniable et mériterait une attention renouvelée, pour que la mémoire des habitants de l'îlet, ainsi que celle d'Auguste Pignolet, continue à vivre.


L'incendie de 2006


Tristement, cet édifice déjà fragile a connu un événement dramatique au début du mois de décembre 2006. Un incendie, dont l'origine demeure floue, a ravagé la chapelle. Cet acte, jugé incompréhensible par les habitants et les autorités locales, a profondément choqué la communauté. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer la destruction d'un lieu historique et symbolique, soulignant la nécessité de mieux protéger ce patrimoine unique.


Sources
* Témoignages Réunion – article « Il y a 150 ans, la Chapelle de l'îlet à Bethléem », décembre 2006.
* Kult Media – dossier historique « L'Îlet Bethléem : un lieu chargé d'histoire », 2023.