LA CAVERNE MUSSARD

22/10/2025

La Caverne Mussard : un silence de pierre au cœur de l'histoire réunionnaise

Un lieu où la montagne garde la mémoire

À plus de 2 000 mètres d'altitude, dissimulée dans les flancs abrupts du Piton des Neiges, la Caverne Mussard dort au milieu des brumes et des cryptomérias. Pour les randonneurs, elle n'est qu'une étape spectaculaire entre Saint-Benoît et les Hauts de l'île.Mais derrière cette façade minérale se cache une histoire autrement plus lourde : celle du marronnage, de la résistance des esclaves, et d'un homme dont le nom divise encore la mémoire réunionnaise.

Un refuge devenu champ de bataille

Au XVIIIᵉ siècle, alors que l'île de La Réunion — alors appelée Bourbon — vit au rythme du système esclavagiste, nombre d'hommes et de femmes enchaînés choisissent la fuite. On les appelle les marrons.Ils trouvent refuge dans les ravines, les cirques et les grottes du massif central, inaccessibles et sauvages.Parmi ces refuges, la Caverne Mussard se distingue : selon les récits d'époque, une centaine de marrons s'y étaient retranchés, vivant dans la montagne, loin de la surveillance coloniale.Mais ce havre de liberté devient bientôt un piège.

En 1749, François Mussard, chasseur de marrons mandaté par la Compagnie des Indes, découvre la cache. Il mène une expédition sanglante : une cinquantaine de marrons sont tués, autant sont capturés. La grotte gardera dès lors le nom de son vainqueur.

François Mussard, figure controversée — et souvent confondue

Né à Saint-Paul en 1718, François Mussard le chasseur de marrons est une figure ambivalente de l'histoire réunionnaise. À la fois soldat, colon et traqueur d'esclaves, il symbolise la violence d'un système où la liberté d'un homme valait moins que la propriété d'un autre.Récompensé pour ses "services" — fusil, médailles, reconnaissance officielle — il a laissé son nom à plusieurs lieux de l'île. À ne pas confondre : ce François Mussard est le petit-fils du premier François Mussard arrivé à Bourbon, un colon venu s'installer au XVIIᵉ siècle parmi les pionniers de l'île.Ce dernier, parfois évoqué dans les registres anciens, était l'un des premiers Européens établis sur la côte ouest, bien avant que son descendant ne devienne tristement célèbre pour sa chasse aux marrons.Une distinction importante, car elle éclaire deux époques radicalement différentes de l'histoire de La Réunion : celle des pionniers et celle des persécuteurs.

Un lieu de mémoire et de réflexion

Visiter la Caverne Mussard, c'est marcher sur une frontière fragile : entre nature et histoire, entre oubli et reconnaissance.Les randonneurs qui y passent ignorent parfois que ce site fut le théâtre d'une tragédie humaine. D'autres y viennent précisément pour se souvenir, pour reconnecter les paysages de l'île à son passé douloureux.Depuis plusieurs années, historiens, enseignants et associations de mémoire tentent de redonner une voix aux marrons, ces hommes et femmes dont la liberté s'est souvent écrasée contre les falaises de l'intérieur.

L'écho d'une histoire encore vive

Dans les Hauts de La Réunion, chaque caverne, chaque sentier porte la trace d'une lutte. La Caverne Mussard, par son nom même, rappelle la complexité de cette mémoire.Là où d'autres lieux célèbrent la résistance, celui-ci interpelle : que choisit-on de retenir ? le nom du chasseur ou le courage des fuyards ?Le temps, la végétation et le silence ont depuis recouvert les cris et les feux de camp. Mais pour qui prend le temps d'écouter, la montagne parle encore. Et dans son écho résonne la voix des oubliés. 





Sources pour aller plus loin : 

* Le marronnage à Bourbon – Portail de l'esclavage à La Réunion (2024)* Musée de Villèle : exposition « Ma r(é)ron nages »

* Clio-Cr : L'esclavage et le marronnage à Bourbon au XVIIIᵉ siècle

* Rando-pitons : fiche sur la Caverne Mussard