JACQUES PICARD, DES SABLES-D'OLONNE À L'ÎLE BOURBON : Une vie d'aventure et de piraterie au XVIIe siècle

15/02/2025

En découvrant le statut de pirate de mon ancêtre Jacques Picard, son histoire a immédiatement résonné en moi comme un récit d'aventure et de liberté. Né aux Sables-d'Olonne, ce fils de la mer a embrassé une vie hors du commun, voguant vers l'île Bourbon et défiant les mers de l'océan Indien.

Plus qu'une simple biographie, cet article est une quête. La quête de mes racines, de ce sang qui coule dans mes veines. J'adorais les films d'aventure et de trésors quand j'étais enfant. Mais au-delà de la légende, je voulais comprendre l'homme. Quel était son quotidien ? Quelles étaient ses motivations, ses rêves et les déceptions de ce flibustier du XVIIe siècle ?

Si les archives n'ont pas répondu à toutes ces questions, elles ont au moins entrouvert une porte sur le quotidien de ces hommes, me laissant entrevoir leur réalité.

J'ai donc plongé dans les archives, les documents historiques, les récits de l'époque. J'ai navigué sur les traces de Jacques Picard, de sa ville natale aux rivages de l'île Bourbon, jusqu'aux confins de l'océan Indien.

Au fil de mes découvertes, Jacques Picard est sorti de l'ombre. J'ai découvert un homme complexe, audacieux et téméraire, mais aussi un homme de son temps, avec ses contradictions et ses faiblesses. Un homme libre, assurément, qui a choisi de vivre sa vie pleinement, sans se soucier des conventions et des carcans.

J'espère que cet article vous transportera dans l'univers de Jacques Picard, comme j'ai été moi-même emportée par son histoire et la légende du trésor du Grand Moghol.


Présentation de Jacques PICARD ou PICQUART

Selon le père Barassin de l'île Bourbon, il serait né vers 1660 et se disait originaire de l'Evêché de Luçon en 1696 (acte de mariage), du Poitou en 1705 et 1709, des Sables-d'Olonnes en 1711.

Sous le règne de Louis XIV la société française était divisée en trois ordres : la noblesse, le clergé et le tiers état. La noblesse, bien que perdant de son pouvoir politique, conservait des privilèges importants. Le tiers état, quant à lui, était très diversifié, allant de la bourgeoisie riche aux paysans pauvres.

La majorité de la population vivait dans des conditions difficiles, notamment les paysans, qui étaient soumis à de lourdes taxes et impôts. Les famines et les épidémies étaient fréquentes.

Louis XIV a mis en place une politique économique mercantiliste, visant à développer l'industrie et le commerce français. Il a créé des manufactures royales, a encouragé le commerce maritime et a protégé l'économie française de la concurrence étrangère.

Sous Louis XIV, de nombreuses infrastructures ont été construites, telles que des routes, des canaux et des ports. Ces travaux ont favorisé le commerce et ont amélioré les communications.

Malgré les efforts de Colbert, l'économie française a connu des difficultés à la fin du règne de Louis XIV, en raison des guerres coûteuses et des mauvaises récoltes.

C'est dans ce cadre que Jacques a passé les premières années de sa vie. Il y a peu d'informations sur la jeunesse de Jacques. Dès son plus jeune âge, il a probablement commencé à naviguer sur des navires de commerce ou de pêche, les Sables-d'Olonne étant un important port de la côte atlantique française.

Dans son roman « La vie et les aventures du capitaine John Avery », Adrian Van Broeck raconte qu'un Picard, qui a été condamné en France pour meurtre et inceste, aurait découvert à Madagascar un complot orchestré contre Avery par un Français nommé De Sale. Est-ce que c'est Jacques Picard ? L'histoire ne nous le dit pas.

Au cours de son parcours maritime, Jacques Picard croise la route d'Henry Every alias John Avery, un célèbre pirate anglais. Et il devint flibustier dans des circonstances inconnues et finit par être agrégé à la troupe du Grand Mongol (1695) selon le père Barassin dans le livre l'épopée des cinq cents réunionnais.


L'aventure pirate

Le Fancy, ou Charles II, était un navire pirate du XVIIe siècle, commandé par le capitaine Henry Every. Originellement un navire corsaire anglais, il a été capturé par Every et a été transformé en un navire pirate redoutable.

Il s'agissait d'un type de bateau : Frégate. Avec sa rapidité et sa maniabilité, il était parfait pour la piraterie. Elle pesait près de 450 tonnes. Il s'agissait d'un navire de grande taille pour l'époque, capable de transporter un équipage considérable et une grande quantité de butin. Le Fancy disposait d'un arsenal considérable pour un navire pirate, avec environ 46 canons. Cela lui donnait la possibilité de prendre part et de battre des navires de commerce et même des navires de guerre.

Le Capitaine Henry Every était un pirate audacieux et charismatique, connu pour ses succès et sa capacité à éviter d'être capturé. Le Fancy est surtout connu pour son rôle dans le "Grand Attentat", l'offensive et le pillage du Grand Moghol, un navire marchand indien richement chargé, en 1695.

L'attaque est menée par un groupe de pirates, dont Henry Every et Jacques Picard. Les pirates parviennent à s'emparer du navire et de son précieux butin. Le navire visé, le Ganj-i-Sawai, est un bâtiment de la flotte du Grand Moghol, l'empereur d'Inde. Il transporte d'importantes richesses, notamment des pièces d'or et d'argent, des pierres précieuses et des tissus précieux.

Le montant exact du butin est incertain, mais il est considérable, ce qui fait de cette attaque l'une des plus lucratives de l'histoire de la piraterie. Cet événement a un retentissement important, car il s'agit d'une attaque audacieuse contre l'un des plus puissants empires de l'époque. Il marque l'apogée de l'histoire de la piraterie dans l'océan Indien.

La réaction du Grand Moghol Aurangzeb face au pillage de son navire, le Ganj-i-Sawai, par le pirate anglais Henry Every en 1695 fut d'une grande fureur. Cet événement était particulièrement grave car il s'agissait non seulement d'un vol audacieux, mais aussi d'une atteinte directe à l'honneur et à la richesse de l'empire moghol.

L'abordage du Ganj-i-Sawai était un affront personnel pour Aurangzeb. Le navire transportait des membres de sa famille, d'importants dignitaires et une immense cargaison de richesses, y compris des objets précieux et des pèlerins revenant de La Mecque. Le vol de ces biens et la violation de la sécurité de son navire ont provoqué une grande colère et un sentiment d'humiliation chez le Grand Moghol.

L'empereur Aurangzeb a exigé que le roi d'Angleterre prenne des mesures immédiates pour arrêter Henry Every et son équipage. Il a menacé de rompre les relations commerciales avec la Compagnie britannique des Indes orientales et de prendre des mesures de rétorsion contre les intérêts britanniques en Inde si les pirates n'étaient pas capturés et punis.

Suite à cet incident, Aurangzeb a renforcé la sécurité de ses navires et des routes maritimes. Il a ordonné une surveillance accrue des côtes et a augmenté la présence navale moghole dans l'océan Indien pour prévenir de futures attaques pirates.

Bien qu'Henry Every ait réussi à s'échapper et n'ait jamais été retrouvé, cet incident a eu des répercussions importantes. Il a mis en évidence la vulnérabilité des navires moghols face aux pirates et a contribué à une prise de conscience de la nécessité de renforcer la protection des routes maritimes.

La réaction d'Aurangzeb face à l'attaque du Ganj-i-Sawai témoigne de sa détermination à protéger les intérêts de son empire et à maintenir son prestige. Cet événement a marqué une étape importante dans l'histoire de la piraterie dans l'océan Indien et a eu des conséquences durables sur les relations entre l'empire moghol et les puissances européennes.



L'installation et vie à l'île Bourbon

Après l'assaut du Grand Moghol, Henry Every débarqua en novembre 1695 à Bourbon avec 70 pirates, français et autres nationalités, dont il voulait se défaire ; parmi eux se trouvait Jacques Picard. Alors que la plupart d'entre eux embarquèrent sur l'escadre de Serquigny, en juillet 1696, afin de regagner l'Europe, une dizaine décida de rester à l'Ile Bourbon, et parmi eux était mon ascendant. 

Le Directoire de Bourbon ne dispose ni des ressources ni de la volonté nécessaires pour s'opposer à leur établissement sur l'île. Le manque d'armement et l'absence d'une véritable force militaire expliquent sans doute pourquoi tous ces individus ont pu s'établir durablement à Bourbon.
Parmi les marins qui se sont définitivement installés dans l'île, nous pouvons mentionner : Victor Riverain, Étienne Le Baillif, François Boucher, Jacques Huet, Jacques Picard, Denis Turpin, Claude Ruelle, René Le Pontho, Henri Grimaud et François Garnier.

L'île Bourbon, a servi de refuge à de nombreux pirates après leurs expéditions dans l'océan Indien de par sa position géographique et son histoire. Elle a toujours été un lieu d'accueil pour les marins de tous horizons, y compris les pirates. Tels que Olivier Levasseur, dit La Buse : Ce célèbre pirate, connu pour son audace et ses nombreux trésors, aurait fréquenté l'île de la Réunion. Une légende raconte qu'il y aurait caché un fabuleux butin. John Bowen : Ce pirate anglais, originaire des Bermudes, s'installe également à l'île de la Réunion, où il devient un important propriétaire terrien.

Un an après son arrivée sur l'île, le premier novembre 1696, Jacques Picard épousa une créole mulâtresse Louise Collin à St-Paul, et le 19 mars 1697, il obtint de Bastide une habitation au Grand Hazier, mais, en 1705, on le trouve établi entre la Rivière-Saint-Jean et celle de Sainte-Suzanne, puis en 1709, à la Rivière-Saint-Jean.

Jacques Picard a fondé la lignée des Picard sur l'île. Son premier enfant, Jean, est né vers 1697. Plus tard, en 1702, Augustin, dont mon père descend.

En 1705 un an avant la naissance de  Catherine, le registre des Procès criminels (1705-1708) rapporte les faits suivants :

« Une gamine de huit ans, Hélène Le Beau, prétendait que Jacques Picard, le 21 août 1705, l'avait attiré chez lui et l'avait violée. Interrogatoires, expertises médicales, confrontations, eurent lieu du 3 au 6 septembre ; le 7, le tribunal, composé de dix notables, rendit sa sentence Jacques Picard pouvait avoir violé Hélène Le Beau, mais comme on n'avait pas le pouvoir de lui faire donner la question et pour en savoir entièrement la vérité, il fut décidé que l'accusé partirait par le premier vaisseau se faire juger en France.

Jacques Picard, maintenu sous les verrous, brisa ses chaînes, défonça le mur de la prison et prit fuite le 17 septembre suivant. Caché dans les bois, il ne fut repris que le 31 janvier 1706.

Le 7 février, le prisonnier, ayant encore rompu ses fers, fut transféré dans un autre cachot, ses liens furent resserrés, et, le 18 février, le Conseil de Justice, confirma sa première sentence."

Au cours de sa cavale Catherine nait mais il rejette sa paternité comme le stipule l'acte de naissance du 30 novembre 1706 : « Née le 30 novembre Catherine fille naturelle de Louise Collin femme de Jacques Picard détenu dans les cachots de Saint Denis depuis plus de dix mois, lequel en présence de nous, de Villers Gouverneur sur cette île qui signe la déclaration qu'il ne reconnaît point cet enfant pour être sien vu sa longue détention dans les prisons et qu'il ne pouvait lui appartenir en aucune façon de laquelle déclaration. Il a demandé acte pour que ce dernier né ne fit point préjudice aux autres enfants dans la succession légitime de leur père ».

Faute de navire pour la France, le prisonnier fut expédié à Pondichéry en avril 1707, et Louise Collin assura seule l'exploitation familiale, qui, en 1708, produisit 1 000 Livres de riz, 1 000 L. de mil, 20 L. de tabac, 100 régimes de bananes, quelques légumes.

La solitude de Louise, cependant lui pesait, si bien qu'un nouvel enfant, Joseph, naquit le 21 septembre 1709 en l'absence de Jacques Picard. Il fut reconnu par son père Jean Boyer.

Il semble qu'un non-lieu ait été prononcé à Pondichéry à propos de l'affaire du viol, puisque le prévenu revint des Indes au début de 1711, vraisemblablement en avril, sur la flotte de Raoul. Il reprit sa place au foyer conjugal, et Louise Collin lui donna encore trois fils : Jacques (1714), Pierre (1718) et François (1720). Jacques Picard ne fut plus inquiété.

Selon Desforges-Boucher dans le livre l'épopée des cinq cents premiers réunionnais il est mentionné de Jacques que : "cet homme a toujours été un grand paresseux, ivrogne et adonné à toutes sortes de vices. Il a pour épouse Louise Collin, créole mulâtresse, femme qui mène une vie aussi déréglée, que son mari. Ils ont cinq enfants, qui sont aussi mal élevés qu'il est possible de se l'imaginer. Ils sont dans la dernière indigence, pour les choses nécessaires au ménage. D'ailleurs, ils vivent assez bien de ce qu'ils recueillent sur un excellent terrain qu'ils possèdent proche le rivière St Jean, dont ils ont beaucoup plus qu'ils n'en peuvent cultiver qu'un bœuf portant, et 15 cochons, quoique cet endroit soit des meilleurs pour en élever quantité, s'ils s'en donnaient la peine."

Jacques Picard s'éteignit à Sainte-Suzanne le 8 mars 1723, à l'âge d'environ 70 ans. Son épouse, Louise Collin, convola en secondes noces le 28 août 1725 avec Guillaume Plantre, ancien pirate, un homme originaire du Royaume-Uni arrivé à Bourbon en mai 1724, ex compagnon de John Clayton selon les dépôts de l'équipage de Clayton le 2 mai 1724 - AD 974 vue 107. Le  4 novembre 1724 : Amnistie de Guillaume Plantre - AD 974 Vue 36. Ils auront deux enfants : Guillaume et Louise PLANTRE.

Bien que l'histoire de Jacques soit complexe, elle reflète la complexité de la piraterie, un phénomène qui a combiné aventure, violence et opportunités de richesse. Il laisse aujourd'hui une descendance sur l'île, qui témoigne de son intégration réussie et de son héritage. Elle compte parmi elle de nombreuses personnalités françaises célèbres.

Il est possible de mentionner : Sébastien Follin, animateur de télévision, descend de Jean, le premier enfant de Jacques Picard.

Dans la lignée d'Auguste Picard, son second fils, on retrouve des personnalités françaises comme Manu Payet (acteur et humoriste), Séverine Ferrer (comédienne et présentatrice de télévision) et Shurik'n (du groupe IAM), qui sont également, d'une certaine façon, des membres éloignés de ma famille.

L'impact laissé par l'aventure pirate de Jacques Picard a parfois eu des répercussions variées sur certains de ses descendants, causant des soucis comme l'alcoolisme, des violences familiales, des incestes ou des disputes autour de l'héritage, ainsi que des infidélités et des enfants non-légitimes. À l'inverse, d'autres ont ressenti un désir de liberté et une volonté de découvrir de nouveaux horizons, notamment en rejoignant la Marine Nationale comme mon père, ou en voyageant en Inde terre du Grand Moghol, ou alors en jouant dans des films dont les titres semblent être liés à son histoire, comme Manu Payet dans : Les Infidèles (telle que Louise Collin) ou dans Tout ce qui brille, (trésors du Grand Moghol) ou encore pour d'autres en retrouvant la Terre-Natale de Jacques la France métropolitaine. Pour ma part, se sera le goût de liberté.

Faut-il éprouver de la honte ou être fier de son parcours ? Personne ne peut le juger car les choix de vie appartiennent à chacun.


Drapeau des pirates
Drapeau des pirates