
FRANÇOIS VINCENDO, "LE DISCRET" : UNE ÉPOPÉE FAMILIALE A L'ÎLE BOURBON
François Vincendo (Sosa 2078 de ma branche paternelle), surnommé "le Discret", est un personnage dont les origines exactes restent incertaines, si ce n'est sa naissance présumée à Scillié, dans les Deux-Sèvres. Son arrivée à l'île Bourbon en octobre 1681 est attestée. Il débarque alors du célèbre navire "Le Soleil d'Orient", comme le rapporte l'ouvrage de référence "L'épopée des cinq cents premiers Réunionnais : dictionnaire du peuplement, 1663-1713" de Jules Bénard et Bernard Monge.
Le Tragique Voyage du "Soleil d'Orient"[1]
Le "Soleil d'Orient" avait quitté Lorient en 1679 pour son second et malheureusement dernier voyage. Son parcours prend une dimension historique le 6 septembre 1681 lorsqu'il appareille de Bantam (Indonésie) avec une cargaison exceptionnelle : l'ambassade du roi de Siam destinée à Louis XIV.
À son bord, non seulement vingt mandarins siamois, mais aussi une fortune estimée à plus de 800 000 livres, comprenant des étoffes précieuses (coton, soie), des épices rares, de l'or, de l'argent, des pierres précieuses et même des trésors issus des pagodes du Siam, le tout destiné au "roi d'Occident".
Le navire aurait fait escale à Bourbon le 1er octobre 1681 pour se ravitailler en eau douce et en gibier. Cependant, environ un mois plus tard, vers le 1er novembre 1681, le "Soleil d'Orient" fait naufrage au large de Madagascar. Les causes de cette catastrophe sont toujours débattues : une attaque de Hollandais ou de pirates côtiers, ou bien une violente tempête tropicale. Ce naufrage continue de fasciner les chercheurs d'épaves.
La Vie de François Vincendo à Bourbon et le Destin de Monique (Sosa 1039)
Peu de temps après son arrivée, François Vincendo épouse Fonsèque Louise (Sosa 2079), une indo-portugaise venue de Surate (Inde) par le navire Le Rossignol. Ensemble, ils s'installent dans le quartier de Sainte-Suzanne et ont deux enfants : Monique (née en 1683) et Jean (né en 1688).
Leur fils Jean disparaît de l'île entre 1705 et 1708. Cette absence n'est pas rare à l'époque ; il est probable que, cherchant l'aventure, il ait profité d'une escale de navires s'arrêtant hors des ports pour s'embarquer comme remplaçant au sein d'équipages décimés par les maladies comme le scorbut.
Le destin de leur fille Monique est plus tumultueux et marque l'histoire de la région. Elle épouse François Garnier le 12 juin 1696 à Saint-Paul. François Garnier (Sosa 1038) acquiert une propriété à Sainte-Suzanne en 1697, puis une autre près de la rivière des Roches en 1701. Il est reconnu comme le premier colonisateur de cette zone jusqu'alors inhabitée.
Cependant, François Garnier disparaît de manière énigmatique. Le père Barassin, dont le récit est tiré du même ouvrage de Jules Bénard et Bernard Monge, rapporte qu'au matin du 5 janvier 1705, Garnier part à la chasse avec ses chiens et ne revient jamais ; seuls ses chiens réapparaissent. Trois jours plus tard, le 8 janvier, le gouverneur Villers et le procureur fiscal Boucher enquêtent sur les lieux. Sur requête de Boucher, Monique Vincendo est arrêtée sur-le-champ, ainsi qu'Étienne Robert, avec qui elle est soupçonnée d'entretenir une relation secrète.
Malgré un mois de détention et trois interrogatoires en présence des plus anciens habitants, aucune preuve ne permet de les inculper pour la disparition ou le décès de Garnier. Boucher, dans le "Journal de l'Île de Bourbon", déplorera toujours cette inefficacité, écrivant plus tard dans ses "Mémoires" : "On les relâcha quoi qu'il y eut suffisamment de preuves pour les mettre à la question !" Il soupçonne même que Garnier ait pu se cacher dans les bois pour éviter sa femme, ou s'être enfui sur un navire de passage.
Malgré les recherches intensives qui ne donnent rien, une interdiction de mariage est prononcée à l'encontre de Monique Vincendo et d'Étienne Robert. Néanmoins, ils se mettent en ménage sans formalités. Boucher justifie cette interdiction en expliquant qu'il ne serait pas "de la politique ni d'une pratique bien sensée de permettre à aucune femme de l'Ile, dont le mari se trouverait perdu, de se remarier ; ce serait donner la main à de perpétuels assassinats puisqu'il n'y a point de lieu du monde plus commode pour cela que l'Est de l'Ile de Bourbon".
Monique Vincendo a eu quatre enfants avec François Garnier : ma Sosa 519 Anne (1698), François (1701), Louise (1703) et Mathieu ou Mathurin (1705).
François Vincendo est décédé en 1690. Son épouse, Louise, s'est remariée le 17 juin 1691, Saint-Denis avec Julien Daillau (ou Dalleau, Sosa 1028), avec qui elle a eu quatre enfants, dont Julien (Sosa 514) né en 1692. Louise est décédée subitement le 24 février 1706 à Saint-Denis.
Monique est décédée le 9 décembre 1762 à Saint-Benoît, à l'âge de 79 ans. La lignée des Vincendo se termine dans mon arbre généalogique à son décès.
Ainsi, si François Vincendo est surnommé « le Discret » en raison des mystères qui entourent ses origines et une grande partie de sa vie, on ne peut en dire autant de ses enfants. Le parcours de son fils, Jean, marqué par une disparition énigmatique, et surtout celui de sa fille, Monique, empêtrée dans une affaire de disparition suspecte et défiant les conventions de son époque en vivant en concubinage malgré une interdiction de mariage, témoignent de destins bien plus tumultueux et publics. La discrétion paternelle semble s'être effacée au profit d'une vie plus mouvementée et remarquée pour sa descendance à l'île Bourbon.
[1] source Wikipédia