
FONTAINE ONÉSIME DEVENU FRÈRE LOUIS-MARIE
Né à Saint-Louis, île de la Réunion, le 10 mai 1829, Onésime Fontaine appartenait à la même famille que Casimir et Jean, dont vous pouvez retrouver les récits sur mon blog. Il était leur frère.
Son engagement commença dès l'âge de 17 ans, lorsqu'il fit son noviciat le 15 décembre 1846 et prit l'habit le 3 août 1847 et devient Frère Louis-Marie. Rapidement, ses qualités furent mises au service de l'éducation, puisqu'il fut employé dans diverses classes, de jour comme de soir, dans plusieurs localités de l'île : Saint-Leu, Sainte-Rose, Saint-Denis et Saint-André. Cette période d'enseignement prit fin en 1863 lorsqu'il reçut l'obédience de Directeur pour l'établissement de Sainte-Marie.
Il obtient son brevet le 10 juin 1872 à Saint-Denis.
Même dans sa jeunesse au sein de la fraternité, la modestie et la profonde piété de Frère Louis-Marie exerçaient une influence notable sur les enfants. À Sainte-Rose, son sens pratique et son leadership se manifestèrent lorsqu'il organisa, avec l'aide des élèves les plus âgés, la construction de solides palissades pour délimiter le terrain de l'école.
Il embellit également les lieux en y plantant de beaux arbres, transformant l'espace en un agréable bosquet. Cependant, son attention se portait avant tout sur la formation spirituelle de ses élèves. Il préparait ses catéchismes et ses réflexions avec un soin méticuleux, cherchant à cultiver leurs âmes avec autant de diligence qu'il avait cultivé la terre de l'établissement.
L'impact de son enseignement religieux était profond. Un témoignage éloquent rapporte qu'à la suite d'un de ses entretiens, un élève, animé d'un zèle apostolique fervent, s'exclama devant ses camarades : « C'est décidé : je serai martyr en Chine ou je serai Frère des Écoles chrétiennes. » Cette parole prophétique se réalisa puisque cet élève entra peu après au noviciat et devint le Frère Jeaume-Joseph, décédé en 1898.
En 1868, Frère Louis-Marie fut de nouveau appelé à exercer la fonction de Directeur, d'abord à Trois-Bassins pendant une année, puis à Sainte-Suzanne pour une période plus longue de huit ans. Que ce soit en tant qu'inférieur ou comme directeur, sa conduite était d'une régularité et d'une édification telles qu'il était considéré comme l'ange tutélaire des communautés où il résidait.
Ses inférieurs lui accordaient une confiance si grande que si l'un d'eux, volontairement ou par un défaut de caractère, avait le malheur d'attrister ce bon directeur, les autres frères de la colonie ne pouvaient présager rien de favorable pour celui qui avait osé peiner un homme d'une telle sainteté. Cette sorte de "prédiction" s'est vérifiée à plusieurs reprises d'une manière que certains considéraient comme providentielle.
Frère Louis-Marie observait avec une exactitude rigoureuse les règles de prudence et de réserve religieuse. Cette attitude lui attirait presque irrésistiblement non seulement l'estime, mais aussi l'affection et la vénération du clergé, des autorités civiles et des familles de ses élèves. Les ecclésiastiques trouvaient en lui un collaborateur sage et puissant, particulièrement pour la préparation des enfants à la première communion.
Sa modestie était également frappante. Lorsqu'il traversait les rues, le chapelet toujours à la main, il exerçait une grande influence sur les populations noires, dont il connaissait la langue. Souvent, par une parole bienveillante, il les ramenait à des pratiques religieuses qu'ils avaient longtemps négligées, se faisant ainsi l'instrument du prêtre pour rétablir l'ordre dans leur conscience et même au sein de leurs familles.
Les autorités civiles étaient comme fascinées par la douceur et l'affabilité de Frère Louis-Marie. Rares étaient les fois où elles refusaient ce qu'il demandait pour sa communauté ou pour ses classes. Quant à ses élèves, ils lui vouaient une reconnaissance profonde, cherchant constamment l'occasion de la manifester.
Cependant, des infirmités précoces vinrent trop tôt contraindre ce cher confrère à cesser ses fonctions de directeur. Sur les indications de l'obédience, il passa l'année 1877 comme professeur au pensionnat de Curepipe, à l'île Maurice. Puis, il revint à La Réunion, occupant le même poste dans les communautés de l'Entre-Deux, de Saint-Benoît et du Bras-Panon, jusqu'en 1881. C'est alors que ses supérieurs le chargèrent de l'emploi d'infirmier à Saint-Denis.
C'est là, surtout, que son dévouement héroïque apparut dans toute sa splendeur. Dieu seul connaît l'étendue du bien que Frère Louis-Marie a accompli dans cette maison à partir de cette époque. Rien ne rebutait ce bon infirmier. Il soigna le regretté Frère Aristonique avec toute l'affection d'une mère. Le malade était atteint d'un anthrax et son sang était gangrené.
Deux opérations douloureuses furent nécessaires, et après trois semaines de traitement, les médecins doutaient fortement de sa guérison. Cette maladie exigeait des soins constants et minutieux. Les pansements n'étaient pas sans danger, car la moindre érosion de la peau pouvait propager l'infection. Trois fois par jour, notre courageux confrère soulevait les chairs noircies de cette horrible plaie et, avec une délicatesse extrême, allait retirer de ses doigts les bubons gangreneux jusqu'aux aisselles du malade. La Providence bénit ses efforts, et après deux mois de traitement, malgré les prévisions pessimistes des médecins, Frère Aristonique fut rétabli au point de pouvoir reprendre ses classes.
L'un de ceux qui furent soignés par lui et de qui nous tenons ces détails ajouta : « Frère Louis-Marie était le modèle et le paratonnerre de la communauté de Saint-Denis : le modèle par sa régularité exemplaire, et le paratonnerre par sa patience héroïque à supporter ses infirmités.»
Jamais il n'omettait ses exercices spirituels, quelles que fussent ses occupations. S'il ne pouvait les faire avec la communauté, il y suppléait à un autre moment, et on était souvent obligé d'aller le chercher à la chapelle lorsqu'on avait besoin de ses services.
Chaque jour, il visitait plusieurs fois le "divin Prisonnier d'amour" dans le Saint-Sacrement. La fête de la Portioncule était pour Frère Louis-Marie un véritable jour d'intercession. Il suspendait la plupart de ses activités afin de multiplier ses visites pour gagner des indulgences en faveur des saintes âmes du purgatoire. Son caractère extrêmement compatissant le faisait parfois verser des larmes à la pensée des tourments de ces pauvres âmes.
Un autre frère écrivit à son sujet : « On peut dire que la vertu dominante de Frère Louis-Marie était celle que chérissait particulièrement le divin Maître : la charité. Oh ! que l'emploi d'infirmier était propre à fournir l'aliment que réclamait cette âme tendre et généreuse ! Quelle délicatesse ! Quelle compassion pour ses frères souffrants ! Sa connaissance des maladies du pays et des remèdes à y apporter le rendait bien précieux, mais comme l'humilité est la compagne inséparable de la vraie charité, jamais il ne s'en prévalut ; et quand ses soins avaient rendu la santé à un malade, sa modestie semblait répéter la parole d'un médecin célèbre : "Je le pansai, Dieu le guérit.»
La sainte communion était la source où Frère Louis-Marie puisait en abondance la charité qui consumait son bon cœur. Il se préparait à cette grande action par de ferventes prières et de pieuses lectures, et, dès la veille, ses entretiens laissaient transparaître sa préoccupation affectueuse. C'était pour lui une immense douleur lorsque la maladie l'empêchait d'accompagner ses frères au divin banquet.
Tendre et filiale était la dévotion de Frère Louis-Marie pour la très sainte Vierge, qu'il appelait constamment la "Bonne Mère". Par ses soins avait été aménagée, dans la cour avoisinant l'infirmerie, une représentation de la grotte de Lourdes, avec une statue de Marie-Immaculée. Il se chargeait d'orner et d'illuminer cet espace lors des jours de fête, notamment celles de la Nativité, de l'Immaculée-Conception et de la clôture de la retraite annuelle. Il avait obtenu de feu Monseigneur Coldefy, évêque de Saint-Denis, une indulgence de quarante jours pour la récitation d'un Ave Maria devant ce pieux monument.
La confiance de Frère Louis-Marie dans le bien-aimé patriarche Saint Joseph n'était pas moins remarquable. Deux mois avant de mourir, il disait naïvement à un confrère : « Je soigne trop la très sainte Vierge, et pas assez son céleste et virginal Époux ; il m'a pourtant tiré d'embarras dans une grave affaire. » Et il sollicita la permission de lui ériger un petit autel.
En entendant parler des persécutions et des tracasseries ouvertes ou perfidement cachées dont la religion était menacée, on voyait le visage de ce bon frère prendre une expression énergique. À la pensée des violences que pourraient commettre les ennemis de Dieu, il s'exclamait : « Je ne leur laisserai certainement pas Notre-Dame de Lourdes ! » Tel un autre saint Hyacinthe, il était en effet disposé à emporter dans ses bras la statue de sa Bonne Mère plutôt que de l'abandonner aux profanateurs. Ironiquement, les rôles furent inversés : le fils dévoué n'eut pas à emporter sa mère, car c'est la Mère qui vint chercher son enfant.
Après avoir rendu d'innombrables et inappréciables services aux communautés de la colonie et à ses frères malades, accablé lui-même d'infirmités bien qu'ayant à peine atteint la vieillesse, Frère Louis-Marie vit arriver tranquillement le terme d'une vie si bien remplie. Sa fin fut le digne couronnement de ses 46 années employées au service de Dieu, des âmes et aussi des corps.
Fort des secours religieux les plus abondants, il s'endormit du sommeil du juste, en répétant à plusieurs reprises : « Oui, mon Dieu, vous êtes bon ! Que votre volonté s'accomplisse pleinement en moi ! »
C'est ainsi que mourut Frère Louis-Marie à Saint-Denis, le 29 avril 1892, à l'âge de 62 ans, mettait fin à une existence riche et entièrement consacrée à Dieu et à son prochain. Il avait embrassé la vie religieuse pendant 46 ans, dont 31 passés en tant que frère professé au sein des Frères des Écoles chrétiennes.
Frère Louis-Marie a marqué de son empreinte la communauté religieuse locale.